Amiante : l’entreprise utilisatrice peut être condamnée à réparer le préjudice d’anxiété du salarié (infographie)
                    Mercredi 8 février, la Cour de cassation jugeait qu’un salarié exposé à l’amiante peut demander réparation de son préjudice d’anxiété à l’entreprise utilisatrice - au sein de laquelle il a été chargé de réaliser un travail de sous-traitance - alors même que cette entreprise n’était pas son employeur.
Une décision de nature à assurer la protection des travailleurs intervenant sous des statuts divers dans les locaux d'entreprises utilisatrices. Seules ces dernières connaissent l'historique industriel de leur propre site et la présence éventuelle de substances dangereuses comme l'amiante.
Faits
Un salarié a travaillé durant des dizaines d’années en qualité de manutentionnaire pour le compte de plusieurs employeurs dans le cadre d’un marché de sous-traitance conclu avec la SNCF, pour effectuer des travaux au sein des différents établissements de cette dernière. Lorsque la SNCF a mis fin au marché de sous-traitance, le salarié a reçu une attestation de la médecine du travail mentionnant qu’il avait été exposé à l’amiante de 1978 à 2011.
Il a alors saisi la juridiction prud’homale de demandes au titre de la réparation du préjudice d’anxiété, dirigée contre son employeur (la société ISS Logistique et production), mais aussi contre la SNCF en qualité d’entreprise utilisatrice.
La Cour d’appel de Paris, dans une décision du 8 octobre 2020, condamne l’entreprise utilisatrice à indemniser le préjudice d’anxiété au salarié. La SNCF forme alors un pourvoi en cassation.
À NOTER
L’entreprise utilisatrice est celle qui recourt aux travailleurs d’une entreprise extérieure pour réaliser une opération dans l’un de ses établissements.
La réparation du préjudice d’anxiété peut être demandée à l’entreprise utilisatrice
La Cour de cassation devait trancher la question suivante : un salarié exposé à l’amiante peut-il demander la réparation de son préjudice d’anxiété à l’entreprise utilisatrice dans laquelle il a travaillé, alors même que cette entreprise n’est pas son employeur ? Oui, juge-t-elle, confirmant ainsi la position de la Cour d’appel.
La responsabilité de l’entreprise utilisatrice ne peut pas être recherchée sur le fondement de l’obligation de sécurité à la charge de l’employeur, confirme la Cour de cassation. Cependant, sa responsabilité peut être engagée au titre de la responsabilité extracontractuelle, dès lors qu’étaient établies des fautes ou négligences de sa part dans l’exécution des obligations légales et règlementaires mises à sa charge en sa qualité d’entreprise utilisatrice, qui ont été la cause du dommage allégué.
Or le code du travail, sous l’influence du droit européen impose des obligations aux entreprises utilisatrices, à savoir :
- Assurer la coordination générale de leurs propres mesures de prévention avec celles qu’a mis en place l’entreprise extérieure qui intervient dans leurs établissements ;
 - Et l’établissement d’un plan de prévention lorsqu’un opération présente des risques particuliers.
 
L’entreprise utilisatrice (EPIC SNCF) n’a, dans l’affaire, « pas respecté son obligation générale de coordination des mesures de prévention ». Les opérations de manutention ou de nettoyage étaient assurées sur des pièces et matériaux amiantés, sans protection individuelle des salariés. Ils disposaient aussi d’un équipement pour balayer favorisant la dispersion des poussières, et la SNCF disposait d’un mode de chauffage par catopulseur favorisant la propagation des fibres, etc.
Une négligence à l’origine du préjudice subi par les salariés de l’entreprise sous-traitante. Cette obligation générale existait indépendamment de l’obligation de sécurité qui pesait sur l’employeur.
Dans sa note explicative attachée à l’arrêt, la Cour de cassation explique que « cette décision est de nature à assurer la protection des travailleurs intervenant sous des statuts divers dans les locaux d’entreprises utilisatrices. Seules celles-ci connaissent l’historique industriel de leur propre site et la présence individuelle de substances dangereuses ».
8 février 2023, Cour de cassation, pourvoi n°20-23.312, chambre sociale, formation plénière de chambre.
