Chômage, précarité : la pauvreté atteint un niveau record en France, les réformes sociales en question

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Chômage, précarité : la pauvreté atteint un niveau record en France, les réformes sociales en question

La pauvreté repart à la hausse en France. Selon les derniers chiffres de l’Insee publiés le 7 juillet 2025, 15,4 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté en 2023, contre 14,4 % l’année précédente. Un record depuis trois décennies.

Alors que cette progression de la pauvreté affecte particulièrement les personnes sans emploi, l’Insee identifie parmi les facteurs déclencheurs la réforme de l’assurance chômage entrée en vigueur début 2023, qui a réduit la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi.

9,8 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté

L’Insee mesure la pauvreté selon le seuil de 60 % du revenu médian, soit 1 288 € mensuels pour une personne seule, ou 1 932 € pour un couple. En 2023, près de 9,8 millions de personnes occupant un logement ordinaire en France vivaient sous ce seuil, un niveau inédit depuis 1996.

Les demandeurs d’emploi en première ligne, suivis par les familles monoparentales, les populations immigrées et les travailleurs indépendants

Or, tous les ménages ne sont pas égaux face à cette dégradation des conditions de vie. Les personnes sans emploi sont les plus exposées, avec 36,1 % des chômeurs qui vivent sous le seuil de pauvreté. Une situation qui s’est sensiblement détériorée en un an (+ 0,8 point), et que l’Insee attribue directement aux nouvelles règles de l’assurance chômage.

Du côté des actifs, les travailleurs indépendants sont particulièrement vulnérables (19,2 %), contre 6,6 % pour les salariés. Les retraités, quant à eux, affichent un taux de pauvreté de 11,1 %, inférieur à la moyenne nationale.

Les inégalités sont également marquées selon la structure des ménages. Les familles monoparentales sont les plus touchées, avec plus d’un tiers d’entre elles (34,3 %) vivant dans la pauvreté. Du côté des populations immigrées, la situation est tout aussi préoccupante : 32,2 % se trouvent sous le seuil de pauvreté, un taux qui grimpe à 37,7 % pour les personnes originaires des pays d’Afrique.

« Le niveau de vie des plus modestes a augmenté moins rapidement que l'inflation, tandis que le niveau de vie des plus aisés a été dynamique, notamment grâce à la bonne situation sur le marché du travail et au rendement des produits financiers », souligne Michel Duée, chef du département ressources et conditions de vie des ménages à l'Insee.

12,7 % de la population en situation de privation matérielle et sociale

l’Insee alerte également sur l’ampleur de la privation matérielle et sociale. En 2024, 12,7 % de la population vivant dans un logement ordinaire en métropole se trouve dans l’incapacité, pour des raisons financières, de faire face à au moins 5 dépenses essentielles sur une liste de 13 critères retenus au niveau européen.

Les 13 critères européens de « privation » qui permettent de mesurer la privation matérielle et sociale :

  • Être dans l’incapacité de chauffer correctement son logement ;
  • Ne pas pouvoir faire face à une dépense imprévue ;
  • Avoir des arriérés de loyers, de crédits ou de factures ;
  • Ne pas disposer d’une voiture personnelle ;
  • Ne pas pouvoir s’offrir une semaine de vacances hors de chez soi ;
  • Renoncer à une activité de loisirs régulière ;
  • Être privé d’un accès à Internet ;
  • Ne pas pouvoir inviter ou retrouver ses proches au moins une fois par mois ;
  • Ne pas avoir deux paires de chaussures en bon état ;
  • Ne pas pouvoir s’acheter de vêtements neufs ;
  • Être dans l’impossibilité de remplacer des meubles usés ;
  • Ne pas pouvoir manger un repas riche en protéines tous les deux jours ;
  • Ne pas pouvoir dépenser une petite somme pour soi sans devoir en référer à quelqu’un.

Réforme de l’assurance chômage : des effets concrets sur le niveau de vie

Parmi les facteurs structurels liés à cette augmentation du niveau de pauvreté, l’Insee pointe la réforme de l’assurance chômage, entrée en vigueur le 1er février 2023. Celle-ci a réduit de 25 % la durée d’indemnisation pour les nouveaux entrants, dans un objectif affiché d’incitation à la reprise d’emploi. Selon l’Unédic, cette mesure a entraîné une reprise plus rapide du travail... mais souvent à salaire réduit, les demandeurs d’emploi se trouvant parfois contraints d’accepter un emploi en deçà de leurs prétentions salariales, sous peine de voir leur allocation chômage suspendue. En conséquence, une fragilisation financière durable de certains demandeurs d’emploi et une hausse mécanique du taux de pauvreté parmi les chômeurs.

À noter également que cette réforme s’inscrit plus largement dans une série de durcissements amorcés dès 2019 : nouveau calcul du salaire journalier de référence, relèvement du seuil d’ouverture des droits, allongement de la période de référence…

Des arbitrages budgétaires sous tension

Du côté du calendrier politique, ces chiffres de l’Insee sont publiés alors que le gouvernement prépare le budget 2026. Le 3 juillet 2025, le Premier ministre François Bayrou a reçu les associations de lutte contre la pauvreté pour un point d’étape sur le Pacte des solidarités lancé en septembre 2023. Il s’est dit déterminé à « organiser le combat contre la pauvreté ». De leur côté, les associations – réunies au sein du collectif Alerte - ont exprimé leurs inquiétudes sur une série de mesures récentes qui ont accentué, selon elle, cette précarisation des plus pauvres. Parmi elles :

  • La loi Kasbarian facilitant les expulsions locatives ;
  • Les nouvelles obligations imposées aux bénéficiaires du RSA et la généralisation de la suspension intégrale du RSA dans les départements ;
  • La fin de plusieurs lignes de crédit, notamment pour l’aide alimentaire ou l’insertion ;
  • La suspension de dispositifs tels que Ma Prime Rénov’ ;
  • L’augmentation des restes à charge pour les usagers du système de santé...

Les associations appellent ainsi l’exécutif à ne pas faire peser les économies sur les ménages les plus fragiles, et demandent au gouvernement des actes concrets : relance du logement social, revalorisation des minima sociaux, renforcement des aides alimentaires, soutien aux territoires en difficulté et lutte contre le non-recours aux droits des plus précaires.

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