Déficit de la Sécu : la Cour des comptes alerte sur une crise de liquidité imminente
Un rapport de la Cour des comptes publié ce lundi 25 mai pointe du doigt la trajectoire « hors de contrôle » des comptes de la Sécurité Sociale, et en particulier de la branche maladie.
Cette situation est notamment marquée par des déficits persistants, un endettement croissant et une incapacité structurelle à rétablir l’équilibre. Avec, pour risque, d’aboutir à une crise de liquidité majeure dès 2027.
Des déficits chroniques qui s’aggravent
« Nous avons perdu le contrôle de nos finances publiques en 2023 et 2024 », a indiqué Pierre Moscovici, le président de la Cour des comptes, suite à la publication d’un rapport publié ce lundi par la commission des Sages. Consultable ici, le document surprend par le ton employé, beaucoup plus critique que d’ordinaire, pour ne pas dire pessimiste.
Il faut dire que les chiffres publiés ont de quoi inquiéter. Le déficit de la Sécurité sociale, qui regroupe plusieurs branches (maladie, vieillesse, famille, accidents du travail), s’est établi à 15,3 milliards d’euros en 2024. C’est trois fois plus que les prévisions initiales. Et la tendance ne semble pas près de s’inverser. Selon les projections de la Cour des comptes, le déficit pourrait atteindre 22 milliards dès 2025 et culminer à plus de 24 milliards à l’horizon 2028.
Une dette sociale proche de la saturation
L’essentiel (90 %) du déficit 2024 vient de la branche maladie, rappelle la Cour, qui note des « dérives continues » des dépenses par rapport aux objectifs fixés dans le budget de la Sécurité sociale.
Historiquement, les déficits de la Sécurité sociale étaient repris par la Cades (Caisse d’amortissement de la dette sociale), qui les finançait sur les marchés à long terme grâce à des ressources dédiées comme la CRDS. Mais cette solution atteint aujourd’hui ses limites. La Cades arrive à saturation : elle ne peut plus reprendre de nouvelles dettes sans une nouvelle intervention législative, voire une prolongation de son horizon d’amortissement.
À LIRE :
Faute de relais, c’est désormais l’Acoss – bras financier de l’Urssaf – qui supporte ces déficits, en empruntant à court terme sur les marchés. Une situation qui inquiète la Cour des comptes : si les besoins de trésorerie continuent à croître et que les conditions de marché se tendent, le système pourrait se retrouver dans l’incapacité d’assurer ses paiements courants dès 2027. Ce scénario, qualifié de « crise de liquidité », marquerait alors une rupture sans précédent.
Des perspectives économiques jugées trop favorables
« L’aggravation prévue du déficit après 2025 viendra essentiellement du creusement des soldes des branches maladie et autonomie, celui de la branche vieillesse étant stabilisé », note le rapport.
Cette situation est aussi due à une double dynamique : d’un côté, des dépenses en hausse constante, notamment dans le domaine de la santé ; de l’autre, des recettes moins dynamiques que prévu, affectées par un contexte économique moins porteur et des hypothèses économiques encore « trop favorables ».
Les Sages notent par ailleurs que « même le scénario moins optimiste adopté postérieurement à la loi de financement apparaît fragile ».
Un modèle sous tension structurelle
Mais au-delà de la conjoncture, il semblerait que le problème soit surtout « structurel », comme le souligne le rapport. Pour faire simple, la branche maladie, en particulier, est déficitaire de manière récurrente. Les dépenses de santé augmentent plus vite que le PIB, alors que les réformes structurelles se font attendre. La branche vieillesse, elle aussi, subit la pression démographique d’un nombre croissant de retraités.
Par ailleurs, les mesures ponctuelles prises ces dernières années – comme les exonérations de cotisations ou le financement de dépenses exceptionnelles (tests, vaccins, etc.) pendant la crise sanitaire – ont accentué les déséquilibres.
Quelles solutions pour éviter l’impasse ?
La Cour des comptes appelle à une réaction rapide. Plusieurs pistes sont sur la table :
- Avoir une meilleure maîtrise de la dynamique des allègements généraux de cotisations sociales ;
- Simplifier le dispositif du cumul emploi-retraite afin de « remettre ses règles en cohérence avec les paramètres du système de retraite » et économiser environ 500 à 550 millions d’euros par an ;
- Renforcer sensiblement les contrôles sur les pensions de retraite versées à l’étranger ;
- Clarifier le pilotage budgétaire de la Sécurité sociale afin d’éviter de creuser encore plus le déficit déjà abyssal.
Pour Pierre Moscovici, des réformes profondes doivent être mises en place afin de redresser l’équilibre budgétaire de la Sécu et limiter la dette, qui fragilise au final le modèle social français.