États-Unis/France : qui redistribue le mieux ses richesses ? (Enquête World Inequality Lab)
Le système de redistribution français des richesses permet-il de réduire significativement les inégalités ? Tel qu’il est organisé en France, le système de redistribution, impôts et prestations sociales, repose sur le versement, chaque année, d’une partie de la richesse nationale créée sous forme de prestations monétaires ou de services publics. À ce jeu, l’Hexagone se targue d’être un pays où les inégalités sont parmi les plus faibles des pays riches.
Pourtant une étude*, publiée en septembre 2018, menée par World Inequality Lab (WIL) et l’Institut des politiques publiques (IPP), qui compare le système social et fiscal des États-Unis et de la France, montre qu’au cours de ces 30 dernières années, les impôts, cotisations et transferts sociaux français ont été moins efficaces pour réduire les inégalités qu’aux États-Unis.
L’étude dresse trois constats :
- Les inégalités de revenus sont moins fortes en France qu’aux États-Unis, mais c’est uniquement dû au fait que les inégalités avant la redistribution, c’est-à-dire avant impôts et transferts, sont déjà moins élevées en France
- Le système d’impôts et de transferts monétaires est globalement moins redistributif en France
- L’ensemble du système social et fiscal français a contribué à diminuer les inégalités de revenu disponible, par rapport aux inégalités avant impôts, de 23 % en moyenne sur la période 1990-2018, contre 34 % aux Etats-Unis
Moins d’inégalités en France qu’aux États-Unis
Depuis les années 1990, les inégalités de revenu avant l’impôt ont augmenté dans les deux pays, mais l’augmentation est beaucoup plus forte aux États-Unis. La part des revenus des 10 % des Français les plus riches a augmenté de 7 %, contre 20,5 % pour les États-Uniens, alors que celle des 50 % des Français les plus modestes a diminué de 8 %, contre 26,5 % pour les États-Uniens.

Pourtant cela ne signifie pas que les États-Unis redistribuent moins que la France, mais uniquement que les inégalités, avant et après impôt, sont plus fortes outre-Atlantique.
Un système de redistribution des richesses plus efficace aux États-Unis
Dans les deux pays les inégalités de revenu après impôt sont plus faibles qu’avant impôt, ce qui témoigne d’un impact des systèmes de redistribution des revenus.
D’après les résultats de l’enquête, la redistribution fiscale et sociale aux États-Unis a permis de diminuer les inégalités de 34 %, contre 23 % en France. Le système y est donc plus performant.

Pour les enquêteurs, « la plus faible inégalité des revenus disponibles en France par rapport aux États-Unis tient avant tout à la plus faible inégalité avant l’impôt. » Ce qui signifie que de nombreux leviers d’actions, autre que la politique fiscale et sociale, peuvent faire diminuer les inégalités : les politiques liées à l’éducation, à la santé, à l’organisation du travail et la fixation des salaires ou encore à la concentration et à la transmission des patrimoines.
La redistribution des richesses en France
Le système social et fiscal français opère deux politiques de redistribution des revenus avant impôt : la première est constituée des prélèvements obligatoires de types cotisations sociales, impôts directs et indirects, la deuxième est constituée des prestations sociales, familiales et de logement.
Taxes indirectes et cotisations sociales constituent les grandes forces régressives
Les résultats de l’étude montrent que la plus faible puissance redistributive du système fiscal et social français par rapport au système américain est liée au poids plus important de la taxation indirecte et des cotisations sociales non-contributives, dans les prélèvements obligatoires, en France.
Ces dispositifs fiscaux sont fortement régressifs. Les ménages paient un taux effectif de taxes indirectes supérieur aux plus riches, car ils consomment une plus grande part de leur revenu. De plus, les revenus du capital, plus présents chez les riches, sont soumis à un taux plus faible que ceux du travail.
Les transferts sociaux participent à la réduction des inégalités
La redistribution s’appuie également sur un ensemble de transferts sociaux. Ces transferts représentent environ 4 % du revenu national et donc une très faible part des prélèvements obligatoires (de l’ordre de 40 % du revenu national pour les taxes hors cotisations sociales contributives).
Il s’agit :
- Des prestations sociales (dont les minima sociaux)
- Des prestations dédiées aux familles avec enfants (allocations familiales)
- Des allocations logement
Selon les conclusions de l’enquête, les transferts sociaux ont contribué à la réduction des inégalités depuis les années 1990.
* En combinant les données fiscales, les comptes nationaux et les données d’enquêtes, cette étude analyse de façon systématique l’évolution des inégalités de revenus avant et après redistribution au cours de la période 1990-2018, en prenant en compte pour la première fois l’ensemble des impôts, cotisations et transferts.