La Cour des comptes se penche sur les pistes d’amélioration du pilotage des réserves des régimes de retraite
Dans son rapport public annuel 2022 intitulé « Les acteurs publics face à la crise : une réactivité certaine, des fragilités structurelles accentuées » et publié ce mercredi 16 février, la Cour des comptes s’est penchée sur la mobilisation des réserves de 23 caisses de retraite obligatoire dans un contexte de crise sanitaire.
Ces réserves, au volume disparate selon les régimes, ont été constituées en vue d’objectifs variés. Si elles ont montré leur utilité pour traverser une crise sanitaire telle que celle-ci, les hauts magistrats appellent à l’amélioration de la transparence de la gestion des réserves ou encore, au renforcement de la cohérence de leur pilotage.
Des réserves disparates aux objectifs variés
Le code de la sécurité sociale définit les réserves comme étant « l’actif des organismes qui n’est pas directement nécessaire à la gestion administrative des régimes ». On entend par « actif », les actions, obligations, immobilier, entre autres, détenus par les caisses gérant un ou plusieurs régimes de retraite obligatoires.
Ces réserves, essentiellement détenues par les caisses de retraite complémentaires, représentaient fin 2020 un volume total de 164,3 milliards d’euros,
Selon les caisses, le contexte de constitution et d’accumulation des réserves varie. Il s’agit principalement de réserves de précaution et/ou de rendement. Ainsi, la Cnavpl, la Cipav, la Cnbf et la Carpimko ont pu constituer des réserves en raison d’une démographie favorable liée à l’augmentation du nombre de cotisants ces dernières années. Il s’agit donc principalement d’un excédent temporaire de cotisations.
D’autres, à l’instar de la Cavp ou la Cavamac, les ont constituées en vue de dépenses futures, à travers notamment une hausse des cotisations.
Enfin, du côté des régimes interprofessionnels - Ircantec, RCI, Agirc-Arrco -, des règles prudentielles ont été introduites afin de constituer des réserves de précaution et garantir un paiement des pensions sur une période définie. Ainsi, pour l’Agirc-Arrco, un accord quadriennal adopté le 10 mai 2019 en application de l’accord national interprofessionnel de 2015 oblige à respecter un seuil minimal de réserves représentant six mois de prestations à l’horizon de 15 ans.
Ces situations hétérogènes conduisent à un volume de réserves très disparates d’une caisse à l’autre. Exemple notable : fin 2020, elles représentaient entre 7,7 mois de prestations pour l’Agirc-Arcco et 144 mois, soit 12 années de prestations, pour la caisse des notaires.
Selon les Sages de la rue Cambon, les réserves ont le plus souvent été constituées sans en définir les objectifs et parfois sans les prendre en compte dans le pilotage du régime et appellent à la nécessité d’engager une réflexion stratégique sur leur rôle à l’avenir. Et pour cause, la crise sanitaire a montré que la mobilisation de réserves de moyen-long terme dans l’urgence, dans un contexte de marché dégradé, n’était pas optimale.
Les effets contrastés de la crise sanitaire sur les réserves des régimes de retraite
Selon le rapport, la crise sanitaire a eu des effets contrastés sur le montant global des réserves. En effet, les conséquences ont été hétérogènes selon les régimes. Ainsi, à l’Agirc-Arrco, le déploiement massif de l’activité partielle dans les entreprises et l’octroi de délais pour le versement des cotisations a engendré un déficit technique de 5,3 milliards d’euros en 2020 ; pour pallier ce manque à gagner, le régime a puisé dans ses réserves à hauteur de 4,1 milliards d’euros. En conséquence, afin de respecter la règle prudentielle selon laquelle les réserves doivent permettre de financer 6 mois de prestations à un horizon de 15 ans, les pensions ont été sous-indexées en 2021 de 0,5 point par rapport à l’inflation.
De son côté, le régime complémentaire des indépendants a prélevé 1 milliard d’euros de réserves pour financer des aides exceptionnelles.
Dans la plupart des caisses professionnelles, les effets de la crise ont été très circonscrits. Et pour cause, certaines caisses ont limité les reports de cotisations au printemps 2020 et les ont recouvrées avant la fin de l’exercice. D’autres ont seulement mobilisé les réserves de leur fonds d’action sociale ou de leur régime d’invalidité-décès sans recourir aux réserves de leur régime de retraite.
Si la Cour salue l’utilité des réserves pour traverser une crise telle que celle-ci, elle estime que le cadre réglementaire du placement des actifs est devenu incertain et appelle à une refonte indispensable, laquelle devrait poursuivre trois objectifs :
- l’amélioration de la transparence de la gestion des réserves ;
- le renforcement de la cohérence de leur pilotage avec les projections financières de moyen-long terme des régimes ;
- la construction d’une capacité d’expertise extérieure aux caisses de retraite, afin d’apprécier la solvabilité à long terme des régimes, la performance de leur gestion et les risques associés.