« Pour atteindre l'équilibre du système de retraite sur le long terme, il est nécessaire de reporter l’âge de départ à 65 ans » (François Asselin, Président de la CPME)
Le 5 octobre, marquait le coup d’envoi aux concertations sur la réforme des retraites, avec l’objectif d’adopter le projet de loi avant la fin de l’hiver pour une entrée en vigueur à l’été 2023.
Réformer les retraites, un sujet qui suscite toujours autant de contestation sociale de la part d’une majorité de Français mais également des organisations syndicales. Certaines mesures et en particulier le report de l’âge légal de départ en retraite à 65 ans, cristallisent les crispations.
Autre sujet donnant lieu à débat : le transfert du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco aux Urssaf au 1er janvier 2023.
Le point sur ces questions avec François Asselin, Président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).
Previssima - Les concertations autour de la réforme des retraites ont repris ce mercredi 5 octobre, en vue d’un projet de loi qui doit être adopté avant la fin de l’hiver et qui permettrait une entrée en vigueur à l'été 2023. Que vous pensez de ce calendrier ?
François Asselin - Selon nous, il fallait discuter de la question des retraites - y compris d'ailleurs entre seuls partenaires sociaux - depuis un bon moment. Ce calendrier est politique et nous n’avons pas d'observation à faire si ce n’est qu’il n’est plus temps de tergiverser sur ce sujet.
Le ministre du Travail a prévu trois cycles de discussions bilatérales au cours desquelles seront abordés de nombreux points, notamment le travail des séniors, la pénibilité, les carrières longues, la revalorisation du minimum de pension, la transition entre l’emploi et la retraite, le report de l’âge de départ en retraite à 65 ans... Ce sera l’opportunité pour la CPME de mettre sur la table ses propositions.
Justement, quelles sont vos propositions ?
Tout d’abord, pour atteindre l'équilibre du système de retraites sur le long terme, il est nécessaire que l'on travaille plus longtemps et donc, que l’on reporte l’âge légal de départ en retraite à 65 ans.
Le seul moyen de financer notre protection sociale, c'est par le travail. C'est pour cela qu'il y a deux réformes majeures à mener et réussir : celle de l'assurance chômage d'un côté et celle des retraites de l'autre, toutes deux orientées sur le travail.
Il nous semble également fondamental de mettre sur la table certains sujets problématiques : carrières longues, carrières effectuées dans des métiers physiquement exposés, embauche et emploi des seniors, l’implication des jeunes générations dans le système par répartition… Nous devons obtenir un système plus juste sur ces questions-là. Le report à 65 ans de l’âge de départ doit aussi nous permettre de récupérer des marges de manœuvre pour traiter ces questions.
Autre point qui nous tient particulièrement à cœur : celui du minimum contributif ; il y a une promesse présidentielle de revaloriser cette pension à 1100 €/mois. Au terme d’une vie de travail, nous considérons que l’écart avec le minimum vieillesse (versé sans contrepartie de cotisations) qui s’élève à 920 € n'est pas suffisant. Si l’on reporte l’âge légal de départ en retraite à 65 ans, nous devons aussi faire en sorte d'améliorer les minima de retraites.
Concernant les régimes spéciaux, il est désormais question d’extinction progressive et non plus de suppression. Nous sommes pour la suppression de ces régimes. A minima, il est absolument nécessaire d’une part que les personnes bénéficiaires de ces régimes consentent eux aussi des efforts en termes d’âge minimal de départ en retraite et d’autre part que les nouveaux entrants ne puissent plus bénéficier de ces régimes spéciaux ; en effet, il y a une injustice à ce que des salariés partent en départ anticipé en raison de leur statut alors même que certains n’ont pas subi de pénibilité. Outre son caractère inéquitable, ce mécanisme est très coûteux pour le budget de l’Etat.
Vous être favorable à un système de retraite complémentaire constitué d’une part de capitalisation. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Selon nous, il est primordial de raccrocher la jeunesse au système de retraites par répartition en y introduisant une petite partie de capitalisation individuelle gérée collectivement. En d’autres termes, nous préconisons qu’il y ait, au terme de la réforme, une part des cotisations actuelles – 1 ou 2 points dans un premier temps – qui soit consacrée à une capitalisation individuelle, à l’instar des modèles en place à la caisse de retraite complémentaire des pharmaciens (CAVP) ou dans la fonction publique.
Nous pensons en effet que l’État ne peut pas tout faire et ne doit pas tout faire : la retraite complémentaire est basée sur la capacité contributive de chacun pendant sa vie active et assure le niveau de vie pendant sa vie de retraité. A la CPME, nous défendons, au-delà du système de retraite de base qui doit garantir la subsistance avec un minimum contributif décent, un système complémentaire assurant le niveau de vie grâce à l'adjonction d'une part de capitalisation.
Passons maintenant à la question du transfert du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco à l’Urssaf. Le Gouvernement a confirmé l'entrée en vigueur de cette disposition au 1er janvier 2023 pour les entreprises soumises au versement en lieu unique puis avant sa généralisation à l'ensemble des PME au 1er janvier 2024. Quelle est votre position sur la question ?
Sur le plan technique, l'Urssaf est réputée pour être un bon collecteur mais l’organisme, complètement piloté par l'État, est devenu une « boîte noire » qui manque de transparence ; ainsi, à la suite de la crise liée au Covid, la Cour des comptes n’a pas certifié les comptes de l’Urssaf. À mon sens, il y a un principe de précaution qui devrait s'appliquer et qui consiste à ne pas transférer à un organisme qui n'est pas certifié, le soin de collecter des cotisations complémentaires. En partant de ce principe, nous demandons de surseoir dans un premier temps à ce transfert.
Autre problème, du côté de l’Agirc-Arrco, nous ne sommes absolument pas assurés de la qualité de l'information que collecterait l’Urssaf pour la reverser au régime complémentaire. En effet, l'Urssaf a toujours un problème en matière de retransfert des cotisations et des informations associées. En l’occurrence, concernant l’Agirc-Arrco, il s’agit d’apporter des informations sur le déroulé de carrière des cotisants, afin de pouvoir calculer au plus juste leur retraite le moment venu. Si l’on perd le contact entre le compte cotisant et les sommes que l’on reçoit, cela peut nous faire craindre le risque majeur d'une catastrophe industrielle de type RSI.
L’autre sujet qu’il semble important d’évoquer, c’est que, dans leur agenda autonome, les partenaires sociaux ont décidé d’ouvrir des discussions paritaires sur la question des groupes de protection sociale (GPS). Une partie de l’activité de ces organismes est consacrée à la gestion du régime de retraite complémentaire Agirc-Arrco.
De ce fait, il est donc évident qu’un transfert des cotisations actuellement collectées par le GPS vers l’Urssaf entraînera des conséquences sur la gestion de ces groupes de protection sociale ; il faudrait pouvoir regarder au préalable les effets d’un tel transfert de cotisations, de manière à anticiper d’éventuelles difficultés et voir à quel niveau d'équilibre le système est remis en cause.
Depuis de nombreuses années, l’État mène une politique qui tend vers une unification du recouvrement social entre les mains de l’Urssaf. Pensez-vous que cette centralisation soit pertinente ?
Quelle est l’intention finale du Gouvernement ? Obtenir une meilleure rentabilité technique du régime Agirc-Arrco ou bien commencer à l’intégrer dans un système global ?
Nous pensons que tout concentrer sur un seul dispositif peut procurer une faiblesse à terme à divers niveaux (sécurisation des droits, risques informatiques…). Encore une fois, l'État ne peut pas tout faire et ne doit pas tout faire, surtout lorsque l’on voit la bonne gestion de l’Agirc-Arrco par les partenaires sociaux. On veut changer quelque chose qui marche très bien à la base, ce qui est somme toute assez risqué.
Selon le directeur de l’Urssaf Caisse nationale, ses équipes sont prêtes pour ce transfert ; pour notre part, nous ne sommes assurés de rien.